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Par AdminRL le 2 Juin 2021 à 17:14
Art poétique
De la musique avant toute chose,
Et pour cela préfère l'Impair
Plus vague et plus soluble dans l'air,
Sans rien en lui qui pèse ou qui pose.Il faut aussi que tu n'ailles point
Choisir tes mots sans quelque méprise :
Rien de plus cher que la chanson grise
Où l'Indécis au Précis se joint.C'est des beaux yeux derrière des voiles,
C'est le grand jour tremblant de midi,
C'est, par un ciel d'automne attiédi,
Le bleu fouillis des claires étoiles !Car nous voulons la Nuance encor,
Pas la Couleur, rien que la nuance !
Oh ! la nuance seule fiance
Le rêve au rêve et la flûte au cor !Fuis du plus loin la Pointe assassine,
L'Esprit cruel et le Rire impur,
Qui font pleurer les yeux de l'Azur,
Et tout cet ail de basse cuisine !Prends l'éloquence et tords-lui son cou !
Tu feras bien, en train d'énergie,
De rendre un peu la Rime assagie.
Si l'on n'y veille, elle ira jusqu'où ?O qui dira les torts de la Rime ?
Quel enfant sourd ou quel nègre fou
Nous a forgé ce bijou d'un sou
Qui sonne creux et faux sous la lime ?De la musique encore et toujours !
Que ton vers soit la chose envolée
Qu'on sent qui fuit d'une âme en allée
Vers d'autres cieux à d'autres amours.Que ton vers soit la bonne aventure
Éparse au vent crispé du matin
Qui va fleurant la menthe et le thym...
Et tout le reste est littérature.Paul Verlaine, Jadis et naguère (1885)
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Par AdminRL le 2 Mai 2020 à 10:22
Le vent chaud
Le vent chaud !
Le vent chaud est sur moi, il me tient dans son souffle. Maintenant parlerai-je ?
Certes, je te dirai, ta figure et ta face.
Comme le bon ouvrier qui tient la pointe et le marteau, qui porte le ciseau,
qui taille la planche et l'armoire.
Comme le bon ouvrier, qui a choisi l'arbre et le ciseau, qui fait sauter l'angle et polit la place.
Maintenant c'est moi qui te dirai, ta beauté, ta pensée.
Ton corps et ton rayonnement. Et l'ombre du sommeil, sur tes yeux et tes mains,
c'est moi qui la dirai, la paix du soir.
Et qui t'emporterai, à travers le temps, plus loin que je n'irai moi-même,
ta forme et ta durée.
Plus loin que je n'irai, à la grâce du temps, comme le vent qui emporte le cri.
C'est moi qui te dirai, ton ombre et ton image.
Et le vent chaud m'emportera dans son souffel, moi qui serai ta voix,
et toi l'écho de ma pensée.
Marcelle Delpastre, traduit de l'occitan (limousin) en français par elle-même.
Lo vent chaud
Lo vent chaud !
Lo vent chaud es sus ieu, me ten dins sa bufada. Aura parlarai-ieu ?
O segur te dirai, ta semblança e ta facia.
Coma lo bon obrier qui ten la poncha e lo marteu, qui pòrta lo ciseu,
qui talha la pòst e l'armari.
Coma lo bon obrier, qu'a chausit l'aubre e lo ciseu, qui fai volar lo pan e ne'n lisa la plaça.
Aura quo es oeu qui te dirai, ta beutat e ta pensada.
Ton còrs e ta raiada. E l'ombra dau durmir, sus tos uelhs e tas mans,
quo es ieu qui la dirai la patz de la serada.
E qui t'emportarai, la trauchada dau temps, pus lonh qu'anirai ieu,
ta fòrma e ta durada.
Pus long que me'n nirai, a la mercès dau temps, coma lo vent n'empòrta la cridada.
Quo es ieu qui te dirai, ton ombra e ton image.
E lo vent chaud m'emportara dins sa bufada, ieu qui serai ta votz,
tu lo resson de ma pensada.
Marcelle Delpastre
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Par AdminRL le 27 Avril 2020 à 17:08
Le printemps
Il revient, il revient sûrement, le printemps.
Et toi qui étais si fatigué, ouvre les yeux, regarde vert, le vert des prés qui traverse l’aube.
Par delà comme une nuée d’abeilles le saule s’enivre. La grive là-bas aiguise le temps,
le merle file l’eau, le vent de quelque part s’approche. Donne-m’en !
Le soleil, la pluie, le vent, j’en veux ! S’ouvre la terre. Elle sent la graine sous sa peau
qui travaille. La racine s’est éveillée. La larve qui dormait aux profondeurs,
l’aile lui germe, je l’entends feuille double qui monte pour s’ouvrir dans la rosée.
Le soleil brille, donne m’en ! IL s’étend sur le dos, il rit à se décrocher la mâchoire.
Terre ! Tu fleuriras. Du plus noir de la nuit gonfle ton souffle.
Et le printemps reviendra certes.
Marcelle Delpastre, traduit de l'occitan (limousin) en français par elle-même.
" Née et morte à Germont, commune de Chamberet en Corrèze où elle a toujours vécu, Marcelle Delpastre est un auteur majeur de la littérature occitane contemporaine. En occitan comme en français, elle s'est illustrée dans tous les genres: poésie, contes, mémoires,ethnographie, etc. " (Charles Camberoque)La prima
Tòrna be, tòrna plan, la prima.
Etu qu'eras tan desprimat, duebre los uelhs e 'viesa verd, lo verd daus prats que traucha l'auba.
Per delai coma un fum d'abelhas lo salé s'esniura. la trida alaens 'gusa lo temps,
lo merle fiala l'aiga, lo vent segur d'en quauqu'un luec s'aproisma. Balha-me'n !
Lo solelh, la plueja, lo vent, ne'n vòle ! - s'esbandis la terra. E sent la grano jos sa peu
que trabalha. La raiç se's desvelhada. E lo varun que durmia priond,
l’ala li germena, l'auve montar fuelha dobla per se dubrir dins la rosada.
Lo solelh raia, balha-me'n ! S'estend sus l'eschina, ritz que se'n esbadalha.
Terra ! Que floriras. Dau pus priond de la nuech ufla tun alenada.
E la prima tornara be.
Marcelle Delpastre